L’appropriation culturelle : Comment la définir et l’éviter

L’appropriation culturelle : Comment la définir et l’éviter

Les Kardashian en tête de liste, nombreuses ont été les personnalités publiques ou les organisations épinglées ces dernières années pour appropriation culturelle. Coiffures, vêtements, coutumes sociales… Les traditions des uns sont devenues des accessoires tendances pour les autres.

Si pour certains c’est un manque de respect inapproprié, pour d’autres il est tout simplement question d’hommage et d’inspiration.

Alors, qui a raison ? Comment faire la distinction entre appréciation et appropriation ? On fait le point !

Comment définir l’appropriation culturelle ?

Définir l’appropriation culturelle n’est pas si simple. Il faut avant identifier et comprendre les dynamiques de pouvoir et de privilège qui sous-tendent les interactions entre différentes cultures.

Ce n’est un secret (d’histoire) pour personne : Au fil du temps certaines cultures ont été valorisées voire glorifiées, tandis que d’autres ont été davantage marginalisées.

En cause, les différentes hiérarchies sociales et politiques qui ont évolué tout au long des grands événements des époques avant la nôtre.

Il faut souligner cette asymétrie et de déséquilibre de pouvoir pour bien comprendre le concept d’appropriation culturelle.

La culture dominante utilise les éléments d’une culture marginalisée de manière à en tirer profit ou à se divertir. Bien souvent, cela se fait sans reconnaître l’histoire ou la souffrance liée à ces éléments.

Contrairement à un simple échange culturel où les interactions sont mutuelles et respectueuses.

La culture dominante peut choisir les aspects attrayants d’une autre culture tout en ignorant ou minimisant les aspects difficiles ou douloureux.

Pour vraiment définir et identifier l’appropriation culturelle, on peut par exemple se questionner sur l’impact et la signification de nos actions :

  • Qui bénéficie ? : La culture dominante tire-t-elle profit de l’élément culturel sans en reconnaître l’origine ou l’importance ?
  • Quel est le contexte historique et social ? : Y a-t-il un passé de marginalisation ou de discrimination lié à l’élément culturel en question ?
  • Y a-t-il reconnaissance et respect ? : Les pratiques et éléments culturels sont-ils utilisés avec une véritable compréhension et respect de leur signification profonde ?

Le problème avec l’appropriation culturelle

Il n’est pas extrêmement difficile de comprendre en quoi voir ces pratiques culturelles réduites à des tendances superficielles puisse être douloureux et pénible pour les personnes concernées.

Mais au-delà de cette douleur individuelle, le problème avec l’appropriation culturelle est davantage systémique et profond.

Car de manière plus ou moins explicite, cette appropriation perpétue des stéréotypes et banalise des significations culturelles et spirituelles importantes.

Lorsque des éléments culturels sont sortis de leur contexte et utilisés de manière inappropriée, ils perdent souvent leur signification originale.

Ce qui peut mener à l’effacement, à la déformation des cultures d’origine ou à la banalisation des pratiques culturelles.

Ce n’est pas sans rappeler des expériences historiques de colonisation, de marginalisation et d’oppression.

En période coloniale, les colonisateurs s’emparaient souvent des ressources, des terres et des pratiques culturelles des peuples colonisés.

Aujourd’hui encore, quand on visite certains musées, on se rend compte que cette question n’est pas à conjuguer au passé.

Pendant des années, les industries de la mode, de la musique ou encore du divertissement profitent régulièrement des éléments culturels de groupes marginalisés.

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La marque COMME des GARÇONS a été accusé d’appropriation culturelle pour les coiffures de son défilé

Et bien souvent sans compensation financière ni reconnaissance appropriée.

Menant à une exploitation flagrante où la culture d’origine ne bénéficie pas de l’utilisation de ses propres créations.

Au-delà de l’argent, il y a le profit symbolique.

Les individus de cultures dominantes peuvent gagner en prestige ou en crédibilité en adoptant des éléments culturels perçus comme “exotiques”. (D’ailleurs si je peux vous donner un conseil, il ne faut pas utiliser ce mot comme un compliment).

Tout en évitant les stigmates associés à ces éléments lorsque portés ou pratiqués par leurs cultures d’origine.

En fait, la culture dominante, souvent sans subir les mêmes oppressions historiques et sociales, s’approprie les éléments d’une culture marginalisée pour son propre bénéfice le temps d’une soirée ou d’une semaine.

Et c’est là tout le problème avec l’appropriation culturelle. Elle banalise, invisibilise et trivialise les luttes et les héritages des communautés marginalisées, pour le plaisir éphémère de la culture dominante.

Exemple de cas d’appropriation culturelle

Bon, on ne peut écrire un article sur l’appropriation culturelle au 21ème siècle sans mentioner Kim Kardashian.

Au fil des années, la star de télé-réalité et influenceuse est devenue un exemple bien documenté d’appropriation culturelle. Coiffures, vêtement, maquillage… Tout y passe. Mais puisqu’il faut faire un choix choisissons un exemple qui n’est pas tiré par les cheveux avec l’usage des coiffures afro-descendante.

On parle d’ici de tresses, bantu knots, de nattes ou de dreadlocks.
Elles ont toutes une riche histoire et une signification culturelle profonde, qui ne sont pas seulement des choix esthétiques mais aussi des symboles de résistance, d’identité et de communauté.

Elles remontent à des traditions ancestrales et ont souvent été utilisées comme moyen de préserver l’héritage culturel face à l’oppression.

Mais ça, très peu de gens le savent. Encore aujourd’hui.
Pourtant ce que beaucoup de gens savent c’est que Kim Kardashian a posté des photos d’elles avec des tresses.

Kim Kardashian a appelé cette coiffure “Bo Derek braids”, en référence à l’actrice blanche qui a popularisé ce style dans le film “10” de 1979.

La réaction a été immédiate.

En utilisant ce nom, Kardashian a effacé l’origine africaine des cornrows (tresses ou nattes collés) et a contribué à une réappropriation culturelle qui ne reconnaît pas les luttes et les contributions des Afro-Américains.

Les femmes noires sont souvent stigmatisées ou discriminées pour porter ces mêmes coiffures dans des contextes professionnels ou sociaux. Tandis que les célébrités blanches sont félicitées et considérées comme à la mode pour les adopter. Vous le sentez venir ? Oui, c’est le fameux double standard.

Kim Kardashian n’a initialement pas reconnu la signification culturelle de cette coiffure. Ce qui a exacerbé les sentiments d’aliénation et d’injustice, notamment parmi les communautés afro-américaines.

Surtout quand on sait que la discrimination capillaire à laquelle la communauté fait face.

Ce qui est surtout pointé du doigt, c’est le fait que les Kardashian, comme d’autres célébrités, ont construit des empires financiers en adoptant des éléments de la culture noire.

Tout en ignorant ou en minimisant les luttes et les discriminations auxquelles les Noirs font face au quotidien.

Cette réappropriation des traits et des styles noirs pour du profit efface symboliquement l’histoire et les contributions des communautés noires.

C’est pour certains, une double violence.

En popularisant des coiffures sans comprendre leur contexte, elles contribuent à une perception superficielle et stéréotypée de la culture noire.

En réponse, un slogan a émergé en ligne : “Ils aiment la culture noire mais pas les personnes noires”.

Et… c’est assez bien résumé.

Le phénomène du Blackfishing

Le Phénomène du Blackfishing

Le blackfishing est ce qu’on pourrait qualifier de “sous-catégorie” d’appropriation culturelle.

C’est un phénomène où des individus, majoritairement des célébrités, modifient délibérément leur apparence pour imiter les traits physiques des personnes noires. Comme le teint de peau, la texture des cheveux ou même la morphologie.

Le temps d’une photo ou que la tendance soit à la mode.

l’influenceuse suédoise Emma Hallberg

En gros certains bénéficient des aspects esthétiques associés à la culture noire, tout en évitant les discriminations raciales et les stigmates sociaux que les personnes noires subissent quotidiennement.

Ce qui leur permet de capitaliser sur des tendances perçues comme “exotiques” ou “authentiques” sans vivre l’expérience d’être noir dans une société marquée par le racisme systémique.

Ils s’approprient les aspects esthétiques de la culture noire tout en profitant de privilèges raciaux, sans risquer les conséquences négatives associées à ces traits lorsqu’ils sont portés par des personnes noires.

Le blackfishing est (encore) un exemple qui illustre comment la culture noire peut être commercialisée et consommée sans aucun bénéfice pour les personnes qui en sont les véritables porteuses.

Exemple de non-cas d’appropriation culturelle

Contrairement à ce que l’on a vu avec les exemples précédents, il est tout à fait possible d’apprécier et de s’inspirer de différentes cultures de manière respectueuse et positive.

En 2024, la marque Ralph Lauren a parfaitement réussi cet exercice avec sa collection Polo Ralph Lauren x Naiomi Glasses.

Ce qui n’était pas forcément gagné, vu qu’en 2022, la marque avait été épinglée pour appropriation culturelle (on commence à être habitué.e.s) après avoir plagié des motifs de peuples autochtones du Mexique.

Mais en 2024, la marque a enrôlé Naiomi Glasses, une créatrice Navajo qui a appris son métier auprès de sa grand-mère.

Cette initiative a été axée sur la célébration et la préservation du patrimoine artisanal. Elle s’inscrit dans le cadre des efforts de la société pour passer de l’inspiration à la collaboration avec les communautés autochtones qui ont inspiré Ralph Lauren.

La campagne a mis en lumière non seulement les produits, mais aussi les personnes et les histoires derrière ces créations, ce qui aide à humaniser et à contextualiser ces éléments culturels.

Elle raconte l’histoire personnelle de Naiomi, la transmission intergénérationnelle des savoirs culturels et l’importance des traditions familiales. Bref, on est du côté de ceux qui ont vécu l’histoire, pas seulement du côté de ceux qui en profitent.

Au-delà de la représentation et de l’inclusion, Ralph Lauren a pris des mesures pour avoir un impact social positif direct sur les communautés autochtones.

Une partie des ventes de la collection est reversée à une organisation à but non lucratif dirigée par des autochtones.

Ce soutien financier aide à encourager la création de petites entreprises au sein des communautés indigènes, favorisant ainsi l’autonomie économique et la durabilité.

Cela permet aux artisans et aux entrepreneurs locaux de développer leurs compétences, de créer des opportunités économiques, d’apporter de meilleures représentations des pratiques culturelles. Et oui (enfin) un beau modèle à suivre pour d’autres entreprises souhaitant éviter l’appropriation culturelle.

Comment éviter l’appropriation culturelle ?

Certains l’auront peut-être déjà compris, éviter l’appropriation culturelle nécessite une approche consciente et respectueuse de l’interaction avec des cultures différentes.

Même s’il n’existe pas de guide spécifique en la matière, on peut quand même noter quelques étapes qui, même si elles ne garantissent pas à 100% d’éviter les faux pas, permettent de minimiser les risques :

  • S’éduquer et se sensibiliser :
    • La première étape pour éviter l’appropriation culturelle est de s’éduquer sur les cultures avec lesquelles vous interagissez. Par exemple avant d’adopter des éléments d’une autre culture, prenez le temps de comprendre leur signification, leur histoire et leur importance. Informez-vous auprès de sources fiables (si possible, de membres de la communauté concernée).
  • Prendre en compte le contexte historique :
    • Comprenez les contextes historiques de marginalisation et d’oppression. Savoir comment certains éléments culturels ont été utilisés et maltraités dans le passé peut aider à éviter des erreurs d’aujourd’hui.
  • Valoriser la parole des personnes concernées :
    • Engagez directement les communautés concernées et incluez-les dans le processus de création et de diffusion des éléments culturels. Assurez-vous que leur voix est centrale et que leurs contributions sont reconnues et respectées.
  • Respect et reconnaissance
    • Traitez les éléments culturels avec le respect et la reconnaissance qu’ils méritent. Si vous tirez profit de ces éléments culturels, assurez-vous que les créateurs et les communautés d’origine reçoivent une compensation équitable. Donnez toujours crédit aux cultures et aux créateurs d’origine. Mentionnez explicitement les sources et les influences culturelles de vos créations.
  • Respect des pratiques culturelles :
    • Évitez de sortir les éléments culturels de leur contexte ou de les utiliser de manière inappropriée. Respectez les pratiques et les symboles sacrés et ne les utilisez pas comme de simples objets décoratifs ou tendances. Bref, montrez votre soutien et votre solidarité avec les communautés marginalisées. Et surtout utilisez votre plateforme pour amplifier les voix des communautés marginalisées. Donnez-leur la parole pour partager leurs histoires et leurs perspectives.

Liste de questions clés à se poser pour éviter l’appropriation culturelle :

  • Qui bénéficie de cette utilisation culturelle ?
  • Y a-t-il un risque de renforcer des stéréotypes ou des préjugés ?
  • La communauté d’origine approuve-t-elle cette utilisation ?