Manger de la viande, un acte social avant tout ?

Manger de la viande, un acte social avant tout ?

Avez-vous déjà questionné votre rapport à la viande ? Non pas celui qui concerne votre choix d’en manger ou non, mais plutôt le rapport que vous entretenez avec la viande ? Le rapport que nous entretenons tous et toutes dans notre société. À ce que la viande représente (ou pas). Et à ce qu’elle dit (ou ne dit pas) de nous ? Simple apéritif d’apéro avant le barbecue ou plat principal bien poivré ? On passe cette question sur la grille ?

un dessin d'une femme en train de manger de la viande

La valeur social de la viande

Pour favoriser toute transparence et par souci d’éthique, je préfère l’annoncer dès les premières lignes : Je ne mange plus de viande depuis bientôt 10 ans.

D’ailleurs, cet article aurait tout aussi bien pu s’appeler :

“Les phrases que j’en ai marre d’entendre quand je dis que je ne mange pas de viande”.

gif marrant

Mais il s’appelle “Manger de la viande, un acte social avant tout ?”.

Alors efforçons nous d’être (le plus possible) objectif 🤓

Il n’est pas ici question d’alimenter le débat sur la nécessité ou non d’arrêter de manger la viande, ni d’opposer (une énième fois) le végétarisme avec le carnivorisme.

Mais plutôt de questionner le rapport social qu’entretient notre société avec la viande.

Parce que oui, dans nos sociétés, la viande est bien plus qu’un simple aliment.

Elle est chargée de significations sociales.

(Et on le réalise encore pluuuuuuuuuuuuuus quand on en consomme pas).

Que ce soit l’agneau à l’Aïd-el-kebir, la dinde de Noël ou les barbecues entre amis.

Et même dans les cas où elle est exclue, comme dans l’interdiction de manger du porc ou le végétarisme (je vous ai dit que j’étais végétarienne ?) elle continue finalement de rassembler.

Elle devient alors un sujet de discussion, de débat et de compréhension mutuelle entre les individus aux convictions alimentaires diverses.

En ce sens, même son absence suscite une réflexion.

Tant sur les traditions, que la culture ou les valeurs qui sous-tendent nos choix alimentaires.

Comme par exemple avec les menus sans viande dans les cantines scolaires de Lyon qui sont devenus de véritables sujets d’actualité.


Cette polémique met en évidence la manière dont la viande est souvent élevée au rang d’icône culturelle et nationale.

Dans de nombreuses sociétés, elle est sacrée, symbole de la richesse culinaire et de l’héritage ancestral.

Par conséquent, toute tentative de réduire sa consommation est perçue comme une attaque directe contre ces traditions séculaires, un affront à l’identité nationale elle-même.

Cette association sociale de la viande à une identité culturelle et nationale renforce les divisions et les préjugés.

Elle crée une ligne de démarcation entre ceux qui adhèrent à cette vision traditionnelle et ceux qui remettent en question le statu quo.

Ainsi, ceux qui promeuvent des alternatives restent parfois stigmatisés.

gif avec de la salde

Mais derrière cette rhétorique, se cache un terrain fertile pour l’exploitation politique.

Les politiciens opportunistes peuvent facilement manipuler les sentiments nationalistes en utilisant la viande comme un symbole de l’identité nationale à défendre.

Mais parfois cette charge sociale est plus pernicieuse car doublement connotée.

viande et virilité : même cuisson sociale ?

Dans de nombreuses cultures, la consommation de viande socialement est étroitement associée à des idéaux de virilité et de masculinité.

Les hommes sont souvent encouragés à consommer des quantités importantes de viande pour démontrer leur force physique et leur dominance sociale.

La valorisation de la viande est perçue comme un symbole de virilité.

Ce qui a des conséquences néfastes sur les stéréotypes de genre et perpétuer des normes patriarcales.

Cette association entre la viande et la masculinité ne date pas d’aujourd’hui remonte à des idées conçus.

Comme l’idée que la chasse et la consommation de viande étaient considérées comme des activités masculines pendant la préhistoire.

Spoiler c’est faux, c’est simplement un biais de genre

Selon les recherches de l’anthropologue Randall Haas, parmi 27 squelettes de chasseurs découverts en Amérique et enterrés avec leurs armes, 11 étaient des femmes. Un exemple récent concerne la mise au jour de restes humains datant de 9000 ans au Pérou.

Deux squelettes, accompagnés de pointes de lances et d’outils de dépeçage de grands mammifères, ont été découverts. Initialement, les archéologues ont supposé qu’il s’agissait de deux hommes. Cependant, après une analyse approfondie des ossements et de l’émail des dents.

Et bien… il s’est avéré que l’un des squelettes était celui d’une femme.

dessin sur la construction de la viande sociale et  virilité

C’est notamment ce que défend La politique sexuelle de la viande – une théorie critique féministe végétarienne. L’autrice et féministe Carol J. Adams soulève certaines similitudes entre les oppressions de genre et des espèces animales.

Elle fait valoir que la consommation de viande est souvent présentée comme un acte de pouvoir et de contrôle, où les hommes sont encouragés à consommer de grandes quantités de viande pour affirmer leur masculinité et leur supériorité.

Un parallèle donc, entre l’oppression des animaux et l’oppression des femmes. Argumentant que les deux sont fondées sur des schémas de domination et de contrôle patriarcaux.

Elle soutient que la façon dont les animaux sont élevés, abattus et consommés reflète les attitudes de la société envers le pouvoir, le contrôle et la violence, et que ces attitudes sont également manifestes dans les relations entre les genres.

dessin sur la viande sociale


Pour beaucoup d’entre nous, il existe avec la viande une dissonance cognitive, aussi appelée le “paradoxe de la viande”.

La dissonance cognitive peut être exacerbée lorsque la société utilise des termes déshumanisants pour se référer à des êtres vivants ou à des parties du corps humain.

Par exemple, lorsque les poussins sont appelés “nuggets”, cela les réduit à de simples produits alimentaires, éliminant ainsi leur statut d’êtres vivants sensibles.

De même, lorsque les caractéristiques physiques des femmes sont réduites à des parties du corps sexualisées comme les seins et les fesses, cela les déshumanise en les transformant en objets de désir.

comment dévirilisé la viande socialement ?

On peut s’interroger sur les raisons qui nous incitent à consommer de la viande. En examinant si nos choix alimentaires sont véritablement alignés avec nos valeurs personnelles en matière de bien-être animal, de santé et d’environnement.

Questionner les normes culturelles entourant la consommation de viande nécessite une réflexion profonde et un engagement envers le changement.

dessins sur la viande social entre les hommes et les femmes

Parce que comme nous l’avons vu, ces normes sont souvent profondément enracinées dans nos sociétés et peuvent avoir un impact significatif sur nos choix alimentaires.

Même sans que nous en soyons pleinement conscients.

Un bon premier pas serait donc de reconnaître que ces normes culturelles sont souvent façonnées par une culture de domination et des industries de la viande.

Ces industries utilisent des stratégies de marketing sophistiquées pour associer la viande à des valeurs telles que la virilité, la force et la tradition, créant ainsi des attentes sociales et des pressions pour conformer à ces normes.

Et si on remettait en question ces normes? Et si nous commencions à prendre conscience des choix qui nous sont présentés et des alternatives disponibles ?

gif manger une salade

Et peut-être qu’à la fin on prendra nous aussi, autant de plaisir à manger une salade.