Immigration et colonisation : Pourquoi ça rime si bien en France ?
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur de France, a récemment déclaré : “l’immigration n’est pas une chance pour la France”. Et vous savez quoi ? Il a parfaitement raison. Elle est une nécessité. Pour comprendre vraiment son impact sur la société française d’hier et d’aujourd’hui, il faut plonger dans l’histoire coloniale. Ce passé n’est pas juste une vieille histoire ; il continue de façonner notre réalité actuelle.
Une histoire d’exploitation et de domination
L’immigration vers la France n’est pas le fruit du hasard, mais bien le résultat de décisions politiques délibérées. Après la colonisation, la France a exploité ses territoires et les populations qui y vivaient pour nourrir son développement économique et militaire.
Loin d’être une belle histoire d’ouverture et d’intégration comme on l’entend parfois, l’immigration a souvent été un moyen de répondre aux besoins économiques de l’hexagone. Et le plus souvent, au détriment des droits et de la dignité des immigrés.
La Première Guerre mondiale a marqué un tournant décisif dans la mobilisation des colonisés. Des centaines de milliers de travailleurs nord-africains, antillais et indochinois ont été amenés en France pour soutenir l’effort de guerre. Une dynamique qui s’est reproduite pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre d’Algérie, où le besoin de main-d’œuvre s’est intensifié.
D’ailleurs, certains penseurs issus de ces contextes, comme Frantz Fanon, ont milité pour soutenir la décolonisation.
Après le conflit, la France a continué à recruter massivement des travailleurs des DOM-TOM pour faire face à ses besoins de reconstruction. Cette stratégie a permis à la France de bénéficier d’une main-d’œuvre bon marché, souvent mal logée et soumise à la discrimination.
Le BUMIDOM, Bureau pour le développement des migrations dans l’outre-mer, a été mis en place pour encadrer ce recrutement, facilitant ainsi l’arrivée de ces travailleurs, tout en les cantonnant à des emplois précaires et en les éloignant des promesses d’intégration et de dignité.
Le paradoxe de la reconnaissance
Si es populations issues des anciennes colonies ont joué un rôle crucial dans l’essor économique de la France. Cependant, malgré leurs contributions significatives, elles ont été systématiquement marginalisées.
Les soldats issus de ces territoires, comme les tirailleurs sénégalais, ont combattu pour un pays qui les a ensuite oubliés. Ce manque de reconnaissance est symptomatique d’une amnésie collective qui imprègne toujours le discours national.
Les tirailleurs sénégalais, par exemple, ont été recrutés de force pour défendre la France dans des guerres qui ne les concernaient pas directement. Après le conflit, ils ont été systématiquement oubliés, et leur contribution à la défense du pays n’a jamais été pleinement reconnue.
Cette négligence historique se traduit aujourd’hui par des inégalités sociales et économiques. Les descendants de ces populations continuent de faire face à des obstacles importants, qu’il s’agisse d’accès à l’éducation, à l’emploi, ou à la reconnaissance de leurs droits.
Une rhétorique raciste persiste, affirme notamment que ces descendants n’ont pas “mérité” leur place en France.
L’immigration : un facteur de tension sociale
Au fil des décennies, la perception de l’immigré a évolué. Initialement considéré comme un contributeur essentiel à la reconstruction du pays, il est devenu, à l’ère des partis populistes, un bouc émissaire. Les discours nationalistes ont su exploiter la peur de l’inconnu pour diviser la société.
Le Rassemblement national, par exemple, a capitalisé sur les préoccupations liées à l’immigration pour alimenter des sentiments nationalistes.
Ce phénomène est exacerbé par une criminalisation croissante des personnes immigrées, accentuée par l’extrême droitisaiton des médias. Des chaînes comme CNews, contrôlées par Vincent Bolloré, diffusent des discours alarmistes qui alimentent la peur et la méfiance à l’égard de l’immigration.
Les immigrés sont souvent présentés comme des voleurs d’emplois ou des perturbateurs de l’ordre public, ce qui contribue à une stigmatisation et une violence xénophobe.
Bolloré, en tant que magnat des médias, a orienté ces plateformes vers une ligne éditoriale qui privilégie des récits sensationnalistes.
Dans ce contexte, les immigrés, bien qu’essentiels à l’économie française, sont souvent présentés comme des menaces, surtout lors de crises sociales. Cette diabolisation de l’immigration renforce une stigmatisation qui déforme la perception du public.
Les messages véhiculés par ces médias visent à diviser la société, occultant les véritables enjeux sociaux et minimisant les contributions significatives des immigrés.
Le poids des inégalités économiques
Aujourd’hui encore, les populations issues de l’immigration et leurs descendants se retrouvent majoritairement dans des emplois précaires, sous-payés et peu valorisés. C’est un héritage direct de l’exploitation économique qui a commencé dès les premières vagues migratoires.
Ces inégalités perdurent, malgré les discours sur l’intégration et l’égalité des chances.
Les secteurs où travaillent ces populations, comme le bâtiment, les services à la personne ou l’agriculture, restent synonymes de conditions de travail difficiles et de faible reconnaissance.
Malgré leurs efforts pour sortir de cette marginalisation, ils sont souvent enfermés dans des préjugés hérités du passé colonial : moins compétents, moins “méritants”.
Leurs descendants, bien que souvent plus qualifiés, continuent de subir des discriminations à l’embauche et dans leur évolution professionnelle.
Une étude réalisée sous l’égide du ministère du Travail révèle que les candidats portant des noms maghrébins doivent envoyer 1,5 fois plus de CV pour obtenir un entretien.
Ce fossé économique ne se résume pas à une question de revenus. Il s’agit aussi d’accès à l’éducation, au logement, à la santé. Les familles issues de l’immigration, et leurs descendants, sont confrontées à des obstacles systémiques qui perpétuent les inégalités.
C’est comme si les efforts pour briser ce cercle vicieux se heurtaient constamment à des murs invisibles mais puissants, dressés par une société qui, tout en exploitant cette main-d’œuvre, refuse de lui accorder la reconnaissance qu’elle mérite.
Et si on se rassembler plutôt que diviser
La France a besoin de l’immigration, c’est un fait. Mais elle ne doit pas réduire les immigrés à des solutions temporaires pour répondre à ses besoins économiques ou sociaux.
Au lieu de toujours chercher à opposer, à classer, pourquoi ne pas commencer à voir la France pour ce qu’elle est vraiment : un pays bâti sur la diversité, enrichi par les cultures et les parcours de chacun ? L’immigration n’est pas seulement une réponse à une demande de main-d’œuvre.
Ce n’est pas non plus un outil à instrumentaliser lorsque le pays est en crise.
La France ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans les apports de ces vagues successives de personnes venues des quatre coins du monde.
C’est cette force qu’il faut valoriser, et non plus la réduire à une simple question de chiffres pour la nouvelle mission de Vincent Bolloré ou de n’importe quel autre milliardaire aux idées réactionnaires.