👀 Le male gaze fait mal à voir : On t’explique tout !
Récemment sur TikTok, vous avez peut-être vu passer la trend “Dressing for the female gaze vs for the male gaze” (traduction : “S’habiller pour le regard féminin vs pour le regard masculin“). Dans cette tendance, certaines personnes, notamment des femmes, montrent comment elles adaptent leur style vestimentaire en fonction de si elles s’adressent à un homme ou à une femme.
Une manière détournée de jouer voir de dénoncer les injonctions et l’objectivation du “male gaze“.
D’ailleurs, on ne parle pas seulement de vêtements, mais aussi de maquillage, coiffure ou même encore d’attitude.
Bref, de tout ce qui peut façonner notre apparence et influencer la manière dont nous sommes perçus.
S’il ne faut pas plus d’un niveau A2 en anglais pour traduire le terme (male gaze = regard masculin), il faut un peu plus de connaissances pour bien comprendre tous ces enjeux.
Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que ce concept a été introduit et théorisé par une féministe : La réalisatrice Laura Mulvey, dans les années 1970.
Le “male gaze” désigne quelque chose de fondamentalement politique. C’est la manière dont les médias, en particulier le cinéma, représentent les femmes ou les minorités de genre du point de vue d’un homme cisgenre-hétérosexuel.
Le concept de “Male Gaze” tire ses racines dans l’histoire du cinéma classique hollywoodien.
Dans ces films, la caméra se comporte souvent comme si elle était le prolongement du regard masculin, façonnant les personnages féminins non pas comme des individus à part entière, mais comme des objets de désir.
Ce regard n’est pas anodin : il est le reflet d’une société patriarcale où les hommes dominent et où les femmes sont reléguées à des rôles secondaires.
Origines du male gaze
Laura Mulvey, dans son essai “Visual Pleasure and Narrative Cinema” (1975), est la première à formuler cette critique.
Elle y explique notamment que si le cinéma classique hollywoodien est le principal véhicule de ce regard, d’autres médias et arts visuels en adoptent également la perspective.
Dans ces films, séries ou oeuvres culturelle… La caméra se comporte souvent comme si elle était le prolongement du regard masculin.
Filmant les personnages féminins non pas comme des individus à part entière, mais comme des objets de désir (par exemple avec des zooms sur les fesses, les seins ect…)
Ce phénomène s’ancre dans des normes patriarcales plus larges, où l’hypersexualisation des femmes et des minorités de genre devient un outil de contrôle.
La représentations féminines se voit ainsi limiter pour se conformer à un idéal de beauté dicté par des standards masculins et hétéronormé.
L’impact du Male Gaze au cinéma.
Que vous le voyez ou pas, le regard masculin vous voit et se manifeste de manière très concrète.
Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne se limite pas à une simple esthétique visuelle.
Non, il façonne en profondeur les normes et les attentes culturelles autour des représentations féminines à l’écran.
Pour commencer, les critères de sélection des actrices sont souvent biaisés.
Le male gaze impose des standards de beauté qui favorisent une certaine image de la femme : Mince, jeune et valide (c’est à dire en non situation de non-handicap).
Le male gaze intervient dans la manière dont les personnages féminins sont filmés.
Les plans de caméra sont souvent orientés pour objectifier les corps féminisés : Gros plans sur des parties spécifiques du corps, angles de vue qui sexualisent, et poses qui invitent au regard.
Ces choix “esthétiques” entrainent notamment des biais dans le casting, qui sont loin d’être anodin.
Ils déterminent quels visages et quels corps sont dignes d’être vus, et surtout, comment ils doivent être vus.
Conséquence première, les rôles proposés aux femmes ou aux minorités de genre dans ces films sont souvent stéréotypés et limités : la femme fatale, la séductrice, la “girl next door” ect…
Cette représentation unidimensionnelle influence non seulement la manière dont les femmes et les minorités de genre sont perçues par les spectateurs, par la société, mais aussi la manière dont elles se perçoivent elles-mêmes.
Le male gaze, en plus de façonner la manière dont les femmes ou minorités de genre sont représentées, influence profondément la manière dont elles sont vues et traitées dans la société.
Cette influence est subtile mais pernicieuse.
Elle s’incruste dans les standards de beauté, les attentes sociales, et même l’intériorisation des aspirations personnelles.
Renforçant l’idée que le regard masculin hétérosexuel est la norme, la seule perspective légitime.
La seule manière d’être vu.
Et alimentant une boucle où les représentations médiatiques nourrissent les perceptions sociales, et vice versa.
Exemple de Male gaze au cinéma
Un exemple classique de film caractérisé par le male gaze est “Transformers” (2007), réalisé par Michael Bay.
Dans ce film, le personnage de Mikaela Banes, interprété par Megan Fox, est souvent filmée d’une manière qui accentue son corps et sa sexualité.
Plutôt que de mettre en avant ses compétences ou sa personnalité.
On parle par exemple de plans rapprochés sur son corps, d’angles de caméra qui mettent en valeur ses formes… Bref des scènes où elle est présentée de manière hypersexualisée qui sont typiques du male gaze.
Le personnage de Mikaela n’ajoute pratiquement rien au scénario, si ce n’est sa présence féminine qui semble être là principalement pour contenter les spectateurs masculins.
Son rôle est limité, sans véritable profondeur ou contribution significative à l’intrigue.
Pourquoi le Male Gaze est-il problématique ?
Le male gaze influence profondément la manière dont les femmes ou les minorités de genre sont perçues dans la société.
Et comme on peut l’imaginer, ce n’est pas de manière positive.
Au contraire, le male gaze contribue à la perpétuation de stéréotypes restrictifs et à l’objectification des corps féminisés.
Par exemple, les jeunes filles ou minorités de genre peuvent se sentir pressées de correspondre à ces standards irréalistes.
Ce qui peut entraîner des problèmes d’estime de soi, de troubles alimentaires, ou une perception déformée de leur propre corps.
Le film Mignonne réalisé par Maimouna Doucouré, le démontre très bien.
Le male gaze impose une norme qui dicte non seulement comment les femmes doivent paraître, mais aussi comment elles doivent se comporter.
En ce sens, le male gaze contrôle les corps féminisés en les façonnant pour correspondre à un idéal qui sert les intérêts d’un système patriarcal.
Ce contrôle va au-delà de la simple apparence physique : Il s’étend à la manière dont ces corps doivent se mouvoir, s’exprimer, et interagir.
Souvent en fonction de ce qui est jugé acceptable ou désirable par le regard masculin évidemment.
En fait, on voit bien que le male gaze est un mécanisme clé par lequel les normes patriarcales sont non seulement maintenues, mais surtout normalisées et légitimées.
En promouvant une vision de la féminité qui est docile, sexualisée, et subordonnée, il perpétue l’idée que les femmes doivent occuper un rôle secondaire dans la société.
L’émergence du Female Gaze : une réponse au Male Gaze
Pour remettre en question le regard porté sur les femmes dans les contenus culturels, les réflexions féministes ont introduit le concept de female gaze.
Ce concept cherche à transformer la manière dont les femmes sont représentées, en offrant une alternative au male gaze qui a longtemps dominé les médias.
Alors que le male gaze tend à objectifier les femmes ou les minorités de genre, les réduisant souvent à des rôles de simples objets de désir dans les récits visuels, le female gaze propose de restituer leur subjectivité et leur complexité.
Le female gaze vise à déconstruire ces dynamiques de pouvoir en remettant en question qui détient le contrôle du regard et surtout à questionner comment ce regard influence la perception des femmes ou minorités de genre.
Il cherche à mettre en avant des perspectives qui reflètent les expériences, les émotions et les réalités des femmes elles-mêmes. Ce regard permet de créer des représentations où les femmes sont des sujets actifs de leur propre histoire, avec des identités riches et davantage diversifiées.
Exemple de série avec le Female Gaze
La série “Bridgerton” réalisée par Shonda Rhimes utilise le female gaze pour explorer le désir féminin et le consentement.
Les personnages masculins, comme le duc de Hastings, sont souvent filmés en contre-plongée, comme pour mettre en avant l’attrait qu’ils exercent sous l’œil féminin.
Les scènes d’amour et d’intimité mettent en avant le consentement et le plaisir féminin.
Le choix de cadrer ces moments sans voyeurisme, mais avec une attention particulière à l’expérience intérieure des personnages féminins.
Ce qui permet de représenter le désir féminin non pas comme un objet de consommation, mais comme une dimension authentique et respectée des relations.
En fait, c’est simplement traiter les personnages féminins comme des personnages à part entière sans les renvoyer à leur genre (oui, oui, c’est tout).