Yseult copiée par des artistes de K-pop, ce qui révèle une culture noire plagiée au quotidien
Le 11 octobre dernier, un compte fan de la chanteuse Yseult poste un extrait vidéo du clip de “Bitch You Could Never” de Yseult et “Damdadi” du producteur R.Tee en featuring avec Soyeon de (G)I-DLE, où l’on voit un copier-coller flagrant sans accréditation. Ce plagiat révèle une profonde appropriation de la culture afro-descendante par l’industrie musicale coréenne mais aussi mondiale.
Si vous écoutez Yseult ou de la K-pop, vous avez forcément suivi l’affaire entre Yseult et l’artiste coréen R.Tee.
Le 11 octobre dernier, un compte fan de la chanteuse remarque le plagiat de l’un de ses clips vidéo en publiant un extrait vidéo où l’on observe l’exactitude des scènes entre les deux clips.
Le clip “Damdadi” de R.Tee en featuring avec Soyeon de (G)I-DLE reprend exactement le clip vidéo de “Bitch You Could Never”, posté un an plus tôt. « Voir mon travail copié de cette façon, c’est insensé… mais le vrai talent finit toujours par se démarquer. (…) Réduire au silence les femmes noires quand leur travail est volé fait partie du problème. » , Yseult sur X.
Cette similitude réveille des souvenirs de plagiat, très fréquents dans l’industrie musicale coréenne.
L’industrie de la K-Pop reprenant les codes du hip-hop sans les personnes concernés depuis ses débuts
L’origine de la K-pop remonte aux années 1990, dans une période où la Corée du Sud entre en plein développement politique, économique, technologique et culturel. L’évolution technologique donne accès aux médias étrangers notamment américains et japonais (J-pop), surtout par la diffusion de la chaîne MTV à l’international qui va apporter un intérêt grandissant envers l’aspect visuel des performances musicales.
En 1992, le groupe Seo Taiji & Boys se forme en introduisant des musiques inspirées du hip-hop, avec des performances de breakbeats et de rap. Certains articles comme celui de The Conversation explique le contexte de l’apparition de cette industrie dans un pays sortant d’une dictature militaire, avec un développement très rapide après la guerre de Corée.

Ce développement précoce apporte une tension entre les générations, les jeunes ne se sentant pas écoutés par les adultes, ont ce désir d’être écouté et le hip-hop aurait été “la solution” à ce problème.
Sauf qu’en s’inspirant de la culture hip-hop, l’industrie s’est réapproprié le genre en copiant sans créditer les inspirations. Quand je dis copier, c’est aussi par les coiffures et le style vestimentaire. Quand on parle de K-pop, on doit parler d’une industrie qui est tout simplement une hybridation de différents genres musicaux.
Le gouvernement coréen en a profité de l’essor de cette industrie pour y investir économiquement et la transformer en un outil de soft power permettant au pays de s’ouvrir aux marchés occidentaux.
La K-pop s’est construite sur la culture noire américaine en empruntant principalement du hip-hop. L’industrie n’a pas hésité à imiter, mais aussi à totalement reconfigurer cette culture pour l’adapter à la culture coréenne.
L’exemple du fondateur de l’agence YG Entertainment, Yang Hyun-suk, qui par ailleurs est accusé de médiation de prostitution et de dissimulation d’affaire de drogue, en lien avec l’affaire du Burning Sun, s’est construite sur l’imaginaire du hip-hop américain tout en assainissant le genre, c’est-à-dire, sans reprendre les racines politiques ou sociales.
C’est ce que la chercheuse Crystal S. Anderson explique dans son livre “Soul in Seoul : African American Popular Music and K-Pop”, le hip-hop noir a été totalement décontextualisé pour être reterritorialiser dans une logique commerciale et économique.
Le gouvernement à soutenu cette industrie qui sert de soft power, qu’on appelle aussi la vague “Hallyu” dans les années 2000, ce qui a contribué à une version aseptisée du hip-hop comme produit d’appel mondial.
La culture noire américaine est omniprésente sans la présence des concernées et sans l’accréditation des auteurs. On peut trouver sur le net beaucoup d’exemples de plagiats, d’actes ou de termes racistes utilisés, voire de caricatures racistes.
Des exemples de plagiats
En 2021, Lisa de BLACKPINK reprend la chorégraphie de Cierra Nichols pour sa vidéo Mushroom Chocolate, la chorégraphe l’accusant d’avoir volé une partie de sa danse pour son clip vidéo.
Dans la même année, Rain et J.Y. Park sont accusés d’avoir copié le chanteur Bobby Brown et son titre “Every Little Step” de la musique jusqu’au clip vidéo sans mention, ni crédit de l’artiste.
On peut aussi parler de Kiss of Life, un groupe de quatre filles, ayant fait un live vidéo pour l’anniversaire de Julie, où elles ont pris comme thème le “old school hip-hop”, sauf que dans ce live vidéo, on observe une caricature de la culture hip-hop, mais aussi des personnes afro-américaine. Dans ce cas, c’est clairement de l’appropriation culturelle.
Ce scandale va susciter une vive réaction des fans internationaux, le groupe va perdre des milliers de fans et publiera une lettre d’excuses où elles reconnaissent leur tort.
Le plagiat d’Yseult n’est qu’une fissure dans l’édifice
Dès qu’un artiste noir dénonce une appropriation, le même scénario se joue : le stigmate est inversé et la responsabilité est portée sur la victime et non les coupables. Par exemple, les fans de Soyeon ont reproché à Yseult d’accuser la mauvaise personne, déplaçant le problème sur Yseult et non le studio de production et le producteur R.Tee.
Ici, Yseult dérange par sa réaction, une réaction perçue comme excessive puisqu’elle va subir un harcèlement raciste de la part des fans de Soyeon.
Sa réaction est totalement normale et logique puisque les corps noirs sont systématiquement effacés.
L’affaire Yseult n’est qu’une faille d’un édifice profond : l’invisibilisation des artistes noirs par une industrie culturelle mondiale.
Ce schéma est présent depuis bien longtemps et se structure dans le capitalisme culturel contemporain. En passant de l’industrie de la mode aux plateformes de streaming, l’industrie mondiale fonctionne sur la captation du travail des personnes afro-descendantes dans la musique, dans la mode et l’esthétisme et par la linguistique aussi, tout en effaçant l’origine.
Depuis le clip du producteur R.Tee a été supprimé de YouTube et des excuses ont été présentées. Yseult à quand du expliquer le problème de l’appropriation culturelle, suite aux excuses pour que les fans de K-pop comprennent l’envergure du problème.
