“Karen”, une insulte phare de notre époque, aux origines ségrégationnistes des Etats-Unis
Se faire insulter de « Karen » est très fréquent sur les réseaux sociaux depuis un certain temps. L’expression devenue une insulte dérisoire, se fait dépossédé de sa nature raciste, puisque l’on peut mourir des mains d’une « Karen » qui utilise son privilège blanc pour justifier son racisme.
L’expression de la “Karen” a son succès sur les réseaux sociaux depuis un temps maintenant. Lorsqu’une femme, d’âge mûr en général, se fait insulter de “Karen”, c’est son comportement péjoratif, autoritaire, intrusif et raciste qui lui est reproché. Très souvent, on colle ce nom à une femme se plaignant d’un service, affichant une certaine réputation ou se plaignant dans un contexte de pouvoir social.
L’exemple d’une Karen commettant un meurtre raciste en 2024
Le documentaire Netflix “The perfect Neighbor” (La voisine idéale), sorti en 2025 et réalisé par Geeta Gandbhir parle du meurtre d’Ajike Owens, jeune femme noire de 35 ans, assassinée d’une balle tiré à travers sa porte par sa voisine blanche, Susan Louise Lorincz.

Susan était la “Karen” du quartier.
Ce documentaire est un exemple de racisme institutionnalisé dans la vie domestique américaine. Une femme blanche raciste, connue dans le quartier pour ces plaintes constantes auprès de la police d’enfants afro-américains jouant dans la rue.
Ce comportement est hérité de la période ségrégationniste des Etats-Unis, où l’on a pu observer une période d’auto-délégation du pouvoir de contrôle. Une personne blanche s’autorise à surveiller, signaler ou punir le comportement d’une personne noire.
Des personnes blanches se donnent la permission d’agresser des personnes racisées à cause de leur position sociale. Il y a là une subjectivité blanche, c’est-à-dire une fausse sensation de se sentir menacé juste parce qu’il y a une personne de couleur face à elles.
Dans le documentaire, Susan Louise Lorincz à signaler à la police pendant deux ans les enfants du voisinage dont plusieurs étaient noirs. Elle disait qu’ils menaçaient sa tranquillité. Elle a déjà agressé le fils d’Ajike Owens, blessée au pied par un patin lancé depuis sa fenêtre, Susan se justifie par trop de bruits commis dans le voisinage par les enfants.
Surnommé la “Karen” du quartier et connue par la police pour ses agissements, la dimension raciste n’a jamais été relevée par la police selon le documentaire.

Ajike Owens décide de se rendre chez Susan Lorincz pour lui demander des explications, Susan ne l’a pas perçue comme une mère, mais comme une femme noire qui “ose” demander des comptes à une femme blanche.
Même lorsqu’elle tire à travers sa porte, Susan estime que c’était de l’auto-défense, qu’elle avait le droit de faire cela pour rétablir l’ordre et de rétablir une supériorité qu’elle estime légitime.
L’origine raciste des « Karen » et les conséquences de leurs accusations
La surveillance de la part des personnes blanches est un prolongement des interventions civiles dans la surveillance des personnes de couleur qui remonte à l’époque de la ségrégation.
Il était courant d’entendre des accusations de femmes blanches pour justifier des arrestations, des passages à tabac et ou des exécutions sommaires comme le tristement célèbre exemple d’Emmett Till, jeune adolescent de 14 ans, assassiné en 1955 en pleine période des lois Jim Crow.
Une jeune femme accuse l’adolescent de l’avoir harcelée dans le magasin et ensuite sifflé à sa sortie. Cette fausse accusation a causé le meurtre d’Emmett Till, retrouvé mort au bord d’un fleuve, le visage tellement défiguré que sa mère voulait que les gens puissent voir la souffrance de son défunt fils a traversé avant de mourir.

L’exemple d’Emmett Till en est un parmi tant d’autres. En 2012, Jordan Davis a été tué, car sa musique était jugé trop forte par un homme blanc, Ralph Yarl a été blessé gravement en 2023 pour avoir sonné à la mauvaise porte.
En 2025, on connaît plutôt bien le registre des “Karen” et les conséquences, mais ce concept est tourné en dérision et donc banalisé.
Dans une enquête Arte du Dessous des images, on comprend que le terme est devenu une référence de la pop-culture et s’éloigne au fur et à mesure du contexte racial, ce qui est dangereux et cela participe à la dépolitisation du terme et protège en quelques sorts les personnes qui pratique ces violences.
Ce terme est le symbole même du racisme et du privilège blanc, ce mécanisme d’aseptisation devient dangereux et nous fait oublier la nature même de ce terme mêlé au racisme systémique.
Exemples de mots dénaturés de leurs origines racistes
Ce n’est pas le premier mot à perdre sa nature de base. Dans la langue française, on en retrouve pas mal comme « dénigrer », d’origine latine. Il vient du terme niger qui veut dire noir et qui a servi de base pour le mot nègre et denigrare qui signifie noircir et à donner « dénigrer », qui au sens littéral signifie « rendre noir ». On utilise ce mot tous les jours pour nier nos compétences alors qu’il a une origine raciale forte.
On peut faire de même avec le terme de « mongole », un terme très validiste et raciste. Ce terme qui de base nomme les habitants de la Mongolie, un pays d’Asie de l’Est, a été utilisé pour parler des personnes atteintes de trisomie 21 ou du syndrome de Down, nom du médecin qui les a décrit de « mongoliens », dû aux yeux bridés des personnes atteints de ce handicap.
Le médecin en nommant ce handicap le « mongolisme », provoque une stigmatisation des personnes atteintes de trisomie 21 et les personnes originaires de Mongolie. Aujourd’hui, on peut remarquer que les gens utilisent plus le terme de trisomie 21 même si la stigmatisation continue de perdurer.
